En France près d’un mariage sur deux se termine devant les tribunaux.

Si ce chiffre est connu de tous, il pourrait fortement augmenter dans les mois à venir suite à la longue période de confinement ayant entrainé de lourdes mésententes.

Mais face à l’imbroglio entourant les procédures de divorce, comment savoir quelle est la procédure à suivre et quelle est la juste cause du divorce ?

Il existe, en effet, deux grandes catégories de divorce répondant à des régimes différents :

  • le divorce contentieux incluant le divorce pour faute, pour altération définitive du lien conjugal et pour acceptation du principe de la rupture, et
  • le divorce par consentement mutuel.

Cet article a pour objet de lever le voile sur l’un de ces divorces : le divorce pour faute.

Il répondra notamment aux questions suivantes :

  • dans quels cas une faute peut-elle justifier un tel divorce ?(I)
  • quelle est la procédure à suivre ? (II)
  • à quelles indemnités est-il possible de prétendre ? (III)
  • et enfin, comment contester le prononcé d’un divorce pour faute ?(IV)

I- LA CARACTERISATION DE LA FAUTE

L’article 242 du Code civil dispose que :

« Le divorce peut être demandé par l’un des époux lorsque des faits constitutifs d’une violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage sont imputables à son conjoint et rendent intolérable le maintien de la vie commune. »

Ainsi, la faute est caractérisée dès lors que :

  • il est fait état d’une violation des devoirs et obligations du mariage(élément matériel),
  • ladite violation est grave ou renouvelée, ces critères étant bien alternatifs et non cumulatifs (Civ. 2e, 21 janv. 1970, n° 68-10.461),
  • le manquement est volontaire et imputable à l’époux (élément moral), et
  • ledit manquement rendintolérable le maintien de la vie commune.

Le Code Civil (Chapitre VI) considère que sont des devoirs et obligations du mariage :

  • le devoir de fidélité,
  • le devoir de vie commune,
  • l’obligation de contribution aux charges du mariage,
  • le devoir de respect,
  • le devoir de secours et d’assistance.

Ainsi, ont été considérées comme des fautes violant ces obligations et justifiant un divorce sur ce fondement, les attitudes suivantes :

  • Le fait pour l’un des époux de cacher pendant 22 ans l’existence d’un enfant issu d’un adultère (CA Versailles, 7 mai 2015, n° 13/07873),
  • L’abandon du domicile conjugal par l’épouse sans motif légitime. (CA Nîmes, 2ème civ ; sect. C, 27 septembre 2000, n°99/6758),
  • Le fait d’avoir une attitude brutale et injurieuse envers l’autre époux (Cass. Civ. 2e, 31 mars 1978, n° 77-11.029),
  • L’alcoolisme d’un époux (CA Bordeaux, 14 janvier 2003, n°204237),
  • Des violences morales et des faits de harcèlement moral (CA Besançon, 2 mai 2001, n°168500 ; CA Nancy, 27 février 1998, n°049885),
  • Une gestion des relations financières déloyale (Cass. Civ. 1re, 25 mars 2009, n° 08-11.126), ou encore
  • Le fait pour un époux d’avoir commis un adultère même si les relations extra-conjugales en question étaient homosexuelles (CA Orléans, ch. fam., 24 févr. 2009, n° 08/00134).

Néanmoins, il convient de noter que l’adultère n’est pas toujours considéré comme une cause de divorce, notamment en cas de séparation de fait des époux. (Civ. 2e, 29 avril 1994, n° 92-16.814)

Toujours est-il que les fautes pouvant justifier un divorce pour faute sont multiples.

Aussi, face à une telle faute justifiant le divorce : quelle est la procédure à suivre ?

II- LA PROCEDURE DE DIVORCE POUR FAUTE

A- La formation de la requête

L’article 1106 du Code de Procédure Civile dispose que :

« L’époux qui veut former une demande en divorce présente par avocat une requête au juge. La requête n’indique ni le fondement juridique de la demande en divorce ni les faits à l’origine de celle-ci. Elle contient les demandes formées au titre des mesures provisoires et un exposé sommaire de leurs motifs.

 L’époux est tenu de se présenter en personne quand il sollicite des mesures d’urgence.

En cas d’empêchement dûment constaté, le magistrat se rend à la résidence de l’époux. »

Ainsi, en premier lieu, il est primordial de noter quele demandeur doit obligatoirement se faire assister par un avocat pour former sa requête,tout comme l’autre époux qui sera défendeur à l’instance.

L’avocat du demandeur formera une requête en conformité avec les obligations légales auxquelles elle est soumise.

Cette dernière devra impérativement être déposée au tribunal judiciaire ou de proximitécompétent territorialement.

La requête fera ensuite l’objet d’une analyse par le juge des affaires familiales dans deux phases distinctes.

B- La phase de conciliation préalable

Cette phase est obligatoire et vise à trouver une solution amiable au divorce.

Il est important de noter que durant cette phase de conciliation, le juge peut prendre des mesures provisoires nécessaires à la vie des époux et des enfants durant la procédure de divorce. (Article 254 du Code Civil)

A titre d’exemple, le juge peut statuer sur la résidence séparée ou attribuer à l’un des époux la jouissance du logement.

Ces mesures provisoires sont également prises en considération de l’intérêt supérieur de l’enfant et de son équilibre. (Article 373-2-6, al. 1er du Code Civil)

A ce titre, l’enfant mineur pourra être entendu par le juge.

Suite à l’audition des parents et éventuellement des enfants, le juge pourra :

  • statuer sur les modalités de l’exercice de l’autorité parentale (Article 373-2-1 et Article 373-2-8 du Code Civil) ;
  • fixer une pension alimentaire qui devra être versée par un époux au conjoint qui a la garde des enfants, en fonction des ressources financières respectives des époux. (Article 373-2-2 du Code Civil) ;
  • fixer la résidence de l’enfant en alternance chez l’un ou l’autre des parents, ou exclusivement chez l’un avec un droit de visite pour l’autre (Article 373-2-9 du Code Civil).

Il convient de noter que ces mesures provisoires s’appliquent tout au long de l’instance en divorce et jusqu’à la date où la décision prononçant le divorce acquiert force de chose jugée, c’est-à-dire jusqu’à épuisement des voies de recours à effet suspensif (Civ. 2e, 27 mai 1998, no 96-21.333)

En parallèle de ces mesures provisoires, si aucun accord n’est trouvé par les deux époux sur le principe et les conséquences du divorce, le juge rend une ordonnance de non-conciliation.

Cette ordonnance est susceptible d’appel mais seulement quant à la compétence du juge et aux mesures provisoires, et ce dans un délai de 15 jours. (Article 1112 du Code de Procédure Civile)

Suite à cela, l’affaire rentre alors en phase contentieuse.

C- La phase contentieuse et la charge de la preuve

Dans les 3 premiers mois suivant le prononcé de l’ordonnance susmentionnée, l’instance ne peut être introduite que par l’époux ayant présenté la requête initiale, par voie assignation. (Article 1113 du Code de Procédure Civile)

Si passé ce délai de 3 mois l’époux concerné n’a pas délivré l’assignation, l’autre époux, plus diligent, pourra le faire.

Attention, il est primordial de noter qu’en application de l’article 1113 du Code de Procédure Civile :

« (…) En cas de réconciliation des époux ou si l’instance n’a pas été introduite dans les trente mois du prononcé de l’ordonnance, toutes ses dispositions sont caduques, y compris l’autorisation d’introduire l’instance. »

Aussi, l’instance doit impérativement être introduite dans un délai maximum de 30 mois suivants le prononcé de l’ordonnance de non-conciliation, sous peine d’irrecevabilité.

En outre, conformément à l’article 257-2 du Code Civil,la demande introductive d’instance doit comporter une proposition de règlement des intérêts pécuniaires et patrimoniaux des époux.

Une fois l’instance introduite de manière régulière, le juge formera sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

En premier lieu, la charge de la preuve reposera sur l’époux demandeur.

Ainsi, ce dernier devra prouver les faits invoqués à l’encontre de son époux.

Conformément à l’article 259 du Code Civil, la preuve pourra être rapportée par tout moyen.

Ainsi, la faute conjugale relevant du domaine de la vie privée, il n’y a pas en la matière de prohibition tenant à l’atteinte à la vie privée.

Néanmoins, l’article 259-1 du Code Civil précise bien qu’aucun époux ne peut verser aux débats un élément de preuve qu’il aurait obtenu par fraude ou violence.

De même, les témoignages des descendants sur les griefs ne sont pas recevables. (Article 259 du Code Civil)

En second lieu, si le défendeur à l’instance formule des demandes reconventionnelles visant à faire reconnaitre notamment la faute de l’autre époux ou la faute partagée, il devra en apporter la preuve dans les conditions précitées. (Article 245 du Code Civil)

Face aux éléments qui lui seront soumis, le juge pourra alors prononcer :

  • le rejet de la demande en divorce pour faute, notamment dans le cas où :
  • une faute a été commise par l’époux demandeur et permet d’excuser celle de l’époux défendeur lui ôtant ainsi son degré de gravité,
  • les faits ne sont pas établis, ou
  • les faits ne sont pas d’un degré de gravité suffisant permettant d’entrainer le prononcé d’un divorce pour faute.
  • le divorce aux torts partagés, notamment s’il estime que les fautes sont réciproques et non excusables,
  • le divorce aux torts exclusifs de l’un des époux, s’il estime qu’un époux a effectivement commis une faute grave ou renouvelée rendant intolérable le maintien de la vie commune.

Mais au delà de ce prononcé sur le principe du divorce, quelles sommes le juge peut-il allouer en cas de divorce pour faute?

III- L’INDEMNISATION DANS LE DIVORCE POUR FAUTE

En premier lieu, l’article 266 du Code Civil dispose que :

« Sans préjudice de l’application de l’article 270, des dommages et intérêts peuvent être accordés à un époux en réparation des conséquences d’une particulière gravité qu’il subit du fait de la dissolution du mariage soit lorsqu’il était défendeur à un divorce prononcé pour altération définitive du lien conjugal et qu’il n’avait lui-même formé aucune demande en divorce, soit lorsque le divorce est prononcé aux torts exclusifs de son conjoint. 

Cette demande ne peut être formée qu’à l’occasion de l’action en divorce. »

Aussi, dans le cas où le divorce est prononcé aux torts exclusifs d’un époux, le juge peut accorder des dommages et intérêts permettant d’indemniser le préjudice subi résultant de la faute commise.

En second lieu, et en cas de déséquilibres financiers causés par le divorce entre les époux, le juge peut octroyer à l’une des parties une prestation compensatoire qui sera versée par l’époux le plus avantagé, de manière forfaitaire. (article 270 du Code Civil)

En troisième lieu, l’article 1240 du même Code dispose que :

« Tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. »

Aussi, le juge peut allouer une indemnisation à la partie gagnante permettant de couvrir tout préjudice distinct de celui résultant de la dissolution du mariage mais causé par le comportement du conjoint.

En outre, comme pour toute procédure civile, en application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, le juge peut condamner la partie perdante aux paiement des frais exposés et non compris dans les dépens.

Aussi, les conséquences du prononcé d’un divorce pour faute sont conséquentes tant sur le plan financier que juridique.

Mais que faire face à un jugement n’accueillant pas vos demandes, qu’une partie de vos demandes ou vous condamnant à tord ?

IV – LES VOIES DE CONTESTATION DU DIVORCE POUR FAUTE

Il convient de noter qu’un des époux peut faire appel du jugement qu’il prononce le divorce pour faute, le divorce aux torts partagés, ou le rejet du divorce.

Néanmoins, pour que l’appel soit recevable il doit être formé dans un délai d’un mois à compter de la signification du jugement par voie d’huissier.

Attention, si en application de l’article 539 du Code de Procédure Civil, l’appel est suspensif, les mesures provisoires éventuellement décidées par le juge restent applicables.

Le Cabinet MPJ se tient, bien évidemment, à votre disposition pour faire valoir vos droits.

Julien PINET, Avocat en droit de la famille à TOULOUSE

Cet article a fait l’objet d’une première publication sur le site Village de la justice